Aysegul Aslan
Olive se demanda s’il serait poli d’envoyer la liste sans l’enregistrement (probablement pas), soupira, et se mit à charger le fichier sur son ordinateur.
Quand elle s’aperçut qu’il durait plusieurs heures, parce qu’elle avait oublié d’arrêter son téléphone après son intervention, son soupir se changea en grognement.
— Ça risque de prendre un moment, les gars. Je dois envoyer un fichier audio au Dr Aslan, et je dois le couper avant.
— Soit, céda Anh en soupirant. Malcolm, aimerais-tu nous divertir avec le récit de ton rencard avec Holden ?
— D’accord, d’abord, il portait la chemise bleu ciel la plus mignonne au monde.
— Bleu ciel ?
— La ferme avec ce ton sceptique. Ensuite il m’a offert une fleur.
— Où il a trouvé la fleur ?
— Je ne sais pas trop.
Olive farfouillait dans son MP3, s’efforçant de déterminer où couper le fichier. La fin ne comportait pas le moindre son, correspondant au moment où elle avait laissé son téléphone dans la chambre d’hôtel.
— Peut-être qu’il l’a piquée au buffet, suggéra-t-elle d’un air absent. Il me semble avoir vu des œillets roses en bas.
— Peut-être.
Anh ricana.
— Et on dit que le romantisme est mort.
— La ferme. Ensuite, vers le début du rencard, quelque chose s’est produit. Quelque chose de catastrophique qui ne pouvait arriver qu’à moi, vu que ma famille entière est obsédée par la science, et assiste donc à toutes les conférences. Absolument toutes.
— Non. Dis-moi que tu n’as pas…
— Si. Quand nous sommes arrivés au restaurant, nous sommes tombés sur ma mère, mon père, mon oncle et mon grand-père. Qui ont insisté pour qu’on se joigne à eux. Ce qui signifie que mon premier rencard avec Holden était un putain de repas de famille.
Olive leva les yeux de son ordinateur et échangea un regard stupéfait avec Anh.
— C’était atroce à quel point ?
— Amusant que tu poses la question, parce que c’est avec le plus grand désarroi que je dois te répondre : c’était hallucinant. Ils l’ont adoré – parce que c’est un scientifique qui déchire et parce qu’il est doux comme un agneau – et en l’espace de deux heures, il a réussi à m’aider à convaincre mes parents que mon projet de travailler dans l’industrie est l’idée du siècle.
Je ne plaisante pas – ce matin ma mère a appelé et n’a pas arrêté de répéter à quel point j’avais mûri, que je suis enfin quelqu’un de réfléchi, à quel point mes choix de rencards en sont le reflet. Elle a dit aussi que Papa est d’accord. Vous arrivez à le croire ? Enfin bref. Après le dîner, nous avons acheté des glaces, puis nous sommes revenus dans la chambre d’hôtel d’Holden et nous avons fait un soixante-neuf comme si c’était notre dernier jour sur terre…
« Une fille comme vous. Qui a compris si tôt dans sa carrière que coucher avec un professeur célèbre et talentueux était la bonne méthode pour réussir. Vous avez couché avec Adam, non ? Nous savons tous les deux que vous coucherez avec moi pour la même rais… »
Olive écrasa la barre d’espace, arrêtant immédiatement la lecture de l’enregistrement. Son cœur tambourinait dans sa poitrine – d’abord à cause de la confusion, puis en comprenant ce qu’elle avait enregistré par inadvertance, et enfin parce qu’elle entendait de nouveau les mots en question. Elle porta une main tremblante à ses lèvres, essayant de chasser la voix de Tom de son esprit. Elle avait passé deux jours à tenter de s’en remettre, et voilà que…
— Putain, c’était quoi ? s’enquit Malcolm.
— Oli ?
La voix hésitante d’Anh lui rappela qu’elle n’était pas seule. Elle leva les yeux et s’aperçut que ses amis s’étaient redressés. Ils la dévisageaient, les yeux écarquillés par l’inquiétude et le choc.
Olive secoua la tête. Elle ne voulait pas… non, elle n’avait pas la force de leur expliquer.
— Rien. Seulement…
— Je la reconnais, reprit Anh en venant s’asseoir à côté d’elle. Je reconnais cette voix. Du colloque auquel nous sommes allées.
Elle s’interrompit, cherchant à croiser le regard d’Olive.
— C’était Tom Benton, n’est-ce pas ?
— Mais qu’est-ce que…
Malcolm se leva. Il y avait une réelle urgence dans sa voix. De la colère, aussi.
— Oli, pourquoi as-tu un enregistrement de Tom Benton en train de dire des horreurs pareilles ? Qu’est-ce qui s’est passé ?
Olive le regarda, puis Anh, puis de nouveau lui. Ils l’observaient, l’air inquiet, incrédules. Anh avait dû prendre la main d’Olive à un moment. Elle se dit qu’il fallait qu’elle soit forte, pragmatique, insensible, mais…
— J’ai juste…
Elle essayait. Elle essayait vraiment. Mais son visage se déforma, et les événements des derniers jours la submergèrent soudain. Olive se pencha, posa la tête sur les genoux d’Anh, et fondit en larmes.
Olive n’avait aucune intention d’entendre de nouveau Tom cracher son venin, elle donna donc ses écouteurs à ses amis, se rendit dans la salle de bains, et laissa le robinet couler jusqu’à ce qu’ils aient terminé d’écouter.
Cela prit moins de dix minutes, mais elle pleura tout du long. Quand Malcolm et Anh entrèrent, ils s’assirent à côté d’elle par terre. Anh pleurait, elle aussi, secouée par d’énormes sanglots de colère.
Au moins il y a une baignoire qu’on peut inonder, songea Olive en lui tendant le rouleau de papier toilette qu’elle tenait.
— C’est le plus répugnant, détestable, indigne et scandaleux des êtres humains, décréta Malcolm. J’espère qu’il a une diarrhée explosive en ce moment même. J’espère qu’il a de l’herpès génital. J’espère qu’il se trimballe la plus énorme et la plus douloureuse hémorroïde de l’univers.
J’espère qu’il…
Anh l’interrompit.
— Adam est au courant ?
Olive secoua la tête.
— Il faut que tu lui dises. Et ensuite il faudra que vous dénonciez ce connard de Benton et le fassiez virer.
— Non, je… Je ne peux pas.
— Oli, écoute-moi. Ce que Tom a dit est du harcèlement sexuel. Il est impossible qu’Adam ne te croie pas… D’autant plus que tu as un enregistrement.
— Ça n’a pas d’importance.
— Bien sûr que si !
Olive s’essuya les joues.
— Si j’en parle à Adam, il ne voudra plus collaborer avec Tom, et le projet sur lequel ils travaillent est trop important pour lui. Sans compter qu’il compte partir pour Harvard l’an prochain, et…
Anh grogna.
— Non, il n’en a pas l’intention.
— Si. Il m’a dit que…
— Oli, j’ai vu la façon dont il te regarde. Il est fou amoureux de toi. Y a pas moyen qu’il déménage à Boston si tu n’y vas pas… Et je t’assure qu’il ne te laissera pas non plus travailler pour cette sous-merde… Quoi ?
Elle dévisagea tour à tour Olive et Malcolm, qui échangeaient un long regard.
— Pourquoi vous vous regardez comme ça ? Et pourquoi vous faites vos têtes de cachottiers ?
Malcolm soupira, se pinçant l’arête du nez.
— D’accord Anh, écoute attentivement. Et avant que tu poses la question… Non, je ne suis pas en train d’inventer. C’est la vraie vie.
Il prit une profonde inspiration avant de commencer.
— Carlsen et Olive ne sont jamais sortis ensemble. Ils ont fait semblant pour que tu croies que Jeremy ne lui plaisait plus – ce qui n’a jamais été le
cas en réalité. Je ne sais pas trop quel était l’intérêt de Carlsen dans leur arrangement, j’ai oublié de poser la question. Mais à un moment de cette fausse histoire de couple, Olive a développé des sentiments pour Carlsen, s’est mise à lui mentir à ce sujet et a prétendu être amoureuse de quelqu’un d’autre. Et ensuite…, poursuivit-il en jetant un coup d’œil à Olive. Enfin. Je ne voulais pas être intrusif, mais bon, vu que l’autre jour, un seul lit était défait dans cette chambre, je mettrais ma main à couper qu’il y a eu des…
développements récents.
C’était tellement bien vu qu’Olive se cacha le visage. Juste à temps pour entendre Anh dire :
— C’est pas vrai.
— Et si.
— Non, non. On dirait une mauvaise comédie romantique. Ou un mauvais roman pour jeunes adultes. Ce ne se vendra pas. Olive, dis à Malcolm de garder son boulot, il ne percera jamais comme auteur.
Olive se força à lever les yeux, et le froncement de sourcils d’Anh était le plus intense qu’elle lui ait jamais vu.
— C’est vrai, Anh. Je suis tellement désolée de t’avoir menti. Je ne voulais pas, mais…
— Tu as fait semblant de sortir avec Carlsen ?
Olive hocha la tête.
— Bon sang, je savais que ce baiser était bizarre.
Olive leva les mains en signe de défense.
— Anh, je suis désolée…
— Tu as fait semblant de sortir avec ce putain. D’Adam. Carlsen ?
— Ça semblait une bonne idée, et…
— Mais je t’ai vue l’embrasser ! Sur le parking du bâtiment de biologie !
— Seulement parce que tu m’y as forcée…
— Mais tu t’es assise sur ses genoux !
— Encore une fois, c’est toi qui m’as forcé la main – pas le moment le plus sympa de notre amitié, d’ailleurs…
— Mais tu lui as mis de la crème solaire ! Devant au moins cent personnes !
— Seulement parce que quelqu’un m’a obligée à le faire. Tu ne vois pas un motif qui se dessine, là ?
Anh secoua la tête, comme si elle était soudain abasourdie par ses propres actions.
— J’ai juste… Vous aviez l’air si bien ensemble ! C’était tellement évident vu la façon dont Adam te regardait qu’il était dingue de toi. Et vice versa… Tu le regardais comme s’il était le seul mec sur la planète et ensuite… J’avais toujours l’impression que tu restais dans la retenue avec lui, et je voulais que tu saches que tu pouvais exprimer tes sentiments si tu le voulais… J’ai vraiment cru t’aider, et… Tu as fait semblant de sortir avec Adam Carlsen ?
Olive soupira.
— Écoute, je suis désolée d’avoir menti. Je t’en prie, ne me déteste pas, je….
— Je ne te déteste pas.
Oh ?
— Tu… ah bon ?
— Bien sûr que non, s’indigna Anh. C’est moi-même que je déteste pour t’avoir forcée à faire un truc pareil. Enfin, peut-être pas « détester », mais je m’écrirais volontiers un mail bien senti. Et je suis incroyablement flattée que tu sois prête à faire quelque chose comme ça pour moi. Enfin, c’était malavisé, ridicule et inutilement tordu, et tu es un véritable cliché tout droit sorti d’une comédie romantique, et… Bon sang, Oli, tu es vraiment une idiote. Mais une idiote tout à fait adorable, et surtout mon idiote.
Elle secoua la tête, incrédule, mais posa la main sur le genou d’Olive et jeta un coup d’œil à Malcolm.
— Attends une seconde. Est-ce que ton truc avec Rodrigues est réel ?
Ou vous faites semblant de vous envoyer en l’air pour qu’un juge lui donne la garde de ses filleuls récemment orphelins ?
— Tout à fait réel, répondit Malcolm avec un air suffisant. On baise comme des lapins.
— Génial. Bref, Oli, on reparlera de tout ça. Longuement. Tout le monde en parlera sûrement comme du plus gros canular du vingt et unième siècle pendant les mille ans à venir, mais pour l’instant, on devrait se concentrer sur Tom, et… ça ne change rien, que toi et Adam soyez ensemble ou pas. Je pense toujours qu’il voudrait être au courant. Moi je voudrais l’être. Oli, si la situation était inversée, si c’était toi qui avais quelque chose à perdre et Adam qui avait été harcelé sexuellement…
— Je ne l’ai pas été.
— Si, Oli, tu l ’as été.
Anh semblait très sérieuse. Soudain, Olive se rendit compte de l’énormité de ce qui s’était passé. De ce que Tom avait fait.
Elle reprit son souffle en frissonnant.
— Si la situation était inversée, je voudrais le savoir. Mais c’est différent.
— Pourquoi ?
Parce que je suis amoureuse d’Adam. Et il n’est pas amoureux de moi.
Olive se massa les tempes, s’efforçant de réfléchir malgré la migraine qui montait.
— Je ne veux pas lui enlever quelque chose qu’il aime. Adam respecte et admire Tom, et je sais que Tom a soutenu Adam par le passé. Peut-être que c’est mieux s’il ne sait rien.
— Si seulement il y avait un moyen de découvrir ce que préférerait Adam, intervint Malcolm.
Olive renifla en guise de réponse.
— Ouais.
— Si seulement il existait quelqu’un qui connaît Adam très bien à qui on pourrait poser la question, ajouta Malcolm, plus fort cette fois.
— Ouais, répéta Anh, ce serait génial. Mais ce n’est pas le cas, donc…
— Si seulement il y avait quelqu’un dans cette pièce qui a commencé récemment à sortir avec l’ami le plus proche d’Adam depuis trois décennies ! hurla presque Malcolm, animé d’une colère passive-agressive, et Anh et Olive échangèrent un regard stupéfait.
— Holden !
— Tu pourrais demander conseil à Holden !
Malcolm soupira.
— Vous pouvez être tellement intelligentes, et pourtant tellement longues à la détente.
Soudain, Olive se rappela un détail.
— Holden déteste Tom.
— Hein ? Pourquoi est-ce qu’il le déteste ?
— Je ne sais pas, répondit-elle en haussant les épaules. Adam l’a décrit comme une excentricité de la personnalité d’Holden, mais…
— Eh. La personnalité de mon homme est parfaite.
— Peut-être qu’il y a autre chose ?
Anh acquiesça frénétiquement.
— Malcolm, où est Holden en ce moment ?
— Je ne sais pas. Mais (il tapa sur son téléphone avec un sourire suffisant) il se trouve que j’ai son numéro juste ici.
Holden (ou « Holden Cul d’Enfer », comme Malcolm l’avait enregistré dans ses contacts) terminait juste sa présentation. Olive en entendit les cinq dernières minutes – quelque chose qui parlait de cristallographie qu’elle n’avait ni compris, ni envie de comprendre – et constata sans surprise qu’il était un bon orateur, charismatique. Elle approcha de l’estrade une fois qu’il eut terminé de répondre aux questions, et il sourit lorsqu’il la vit, semblant sincèrement ravi de sa présence.
— Olive. Ma nouvelle coloc par alliance !
— Exact. Oui. Euh, super présentation, dit-elle sen tordant les mains. Je voulais vous poser une question…
— Est-ce que cela concerne les acides nucléiques dans la quatrième diapo ? Parce que j’ai raconté n’importe quoi. C’est ma doctorante qui a fait le schéma, et elle est nettement plus intelligente que moi.
— Non. La question concerne Adam…
L’expression d’Holden s’illumina.
— Enfin, en fait, elle concerne Tom Benton.
Puis elle s’assombrit tout aussi vite.
— Que voulez-vous savoir ?
Bon. Que dire de Tom, au juste ? Olive ne savait pas trop comment aborder le sujet. Elle n’était même pas sûre de ce qu’elle voulait lui demander. Bien sûr, elle aurait pu dégobiller l’histoire entière devant Holden et le supplier de régler cette histoire à sa place, mais quelque part, ça ne semblait pas une bonne idée. Elle se tritura les méninges un moment, puis opta pour : — Saviez-vous qu’Adam envisage de déménager à Boston ?
— Oui.
Holden leva les yeux au ciel et pointa du doigt les grandes fenêtres.
D’immenses et imposants nuages menaçaient d’une pluie torrentielle. Le vent, déjà frais pour septembre, faisait trembler un arbre isolé.
— Qui ne voudrait pas emménager ici depuis la Californie ?
Olive aimait le concept des saisons, mais elle garda cette opinion pour elle.
— Pensez-vous… Pensez-vous qu’il serait heureux ici ?
Holden l’observa intensément pendant une minute.
— Vous savez, vous étiez déjà ma préférée des petites amies d’Adam –
non pas qu’il en ait eu beaucoup, et vous êtes la seule femme qui pourrait entrer en compétition avec la biostatistique depuis une décennie – mais cette question remporte la palme.
Il pesa le pour et le contre un instant.
— Je pense qu’Adam pourrait être heureux ici… à sa façon, bien sûr.
Heureux de manière maussade, sans enthousiasme. Mais oui, heureux. Si tant est que vous êtes là aussi.
Olive dut retenir une exclamation.
— Si tant est que Tom se conduit bien.
— Pourquoi dites-vous ça ? À propos de Tom ? Je… Je ne veux pas me mêler de ce qui ne me regarde pas, mais vous m’avez dit de faire attention à mes arrières avec lui. Vous… ne l’aimez pas ?
Il soupira.
— Ce n’est pas tant que je ne l’aime pas… même si c’est le cas. C’est plutôt que je ne lui fais pas confiance.
— Mais pourquoi ? Adam m’a parlé de ce que Tom a fait pour lui avec votre directeur de recherche.
— Vous voyez, c’est justement de là que vient une bonne partie de ma méfiance.
Holden se mordait la lèvre, comme s’il cherchait à décider s’il devait poursuivre, et comment.
— Est-ce que Tom est intervenu pour sauver les fesses d’Adam en de nombreuses occasions ? Bien sûr. C’est indéniable. Mais d’où sont venues ces occasions au départ ? Notre directeur de recherche n’était pas commode, mais il ne faisait pas dans le micro-management. À l’époque où nous avons intégré son labo, il était trop occupé à se comporter en connard pour savoir ce qui se passait sur place au quotidien. D’où le fait qu’il avait des post-doctorants comme Tom pour superviser les doctorants comme Adam et moi, et de facto diriger le labo. Et pourtant, il était au courant de la moindre bavure d’Adam. De temps en temps il venait, lui disait qu’il était un déchet de l’humanité pour des trucs mineurs comme inverser des réactifs ou faire tomber un bécher, et ensuite Tom, le post-doctorant préféré de notre directeur, prenait publiquement la défense d’Adam et passait pour un héros.
Le schéma était sinistrement particulier, et réservé à Adam… de loin l’étudiant le plus prometteur dans notre programme. Destiné à faire de grandes choses, et tout le toutim. À la base, ça m’a rendu un peu suspicieux quant au fait que Tom sabotait intentionnellement Adam. Mais ces dernières années, je me suis demandé si ce qu’il voulait n’était pas carrément autre chose…
— En avez-vous parlé à Adam ?
— Oui. Mais je n’avais aucune preuve, et Adam… enfin, vous le connaissez. Il est d’une loyauté aveugle et inflexible, et il est extrêmement reconnaissant envers Tom, ajouta-t-il en haussant les épaules. Ils ont fini par devenir potes, et ils sont amis depuis.
— Ça vous a embêté ?
— Pas en soi, non. Je me rends compte que je peux avoir l’air jaloux de leur amitié, mais en réalité, Adam a toujours été trop ambitieux et déterminé pour avoir beaucoup d’amis. J’aurais été heureux pour lui, sincèrement. Mais Tom…
Olive hocha la tête. Ouais. Tom.
— Pourquoi ferait-il une telle chose ? Cette… curieuse vendetta contre Adam ?
Holden soupira.
— C’est la raison pour laquelle Adam a balayé mes inquiétudes. Il n’y a pas vraiment de raison évidente. En vérité, je ne pense pas que Tom déteste Adam. Ou du moins, je ne pense pas que ce soit aussi simple. Mais je crois que Tom est intelligent et très, très rusé. Qu’il y a probablement de la jalousie là-dessous, un désir de profiter d’Adam, peut-être de le contrôler ou d’avoir l’ascendant sur lui. Adam a tendance à minimiser sa réussite, mais c’est l’un des meilleurs scientifiques de notre génération. Avoir de l’influence sur lui… c’est un privilège, et pas des moindres.
— Oui.
Elle acquiesça de nouveau. La question, celle qu’elle était venue poser, commençait à prendre forme dans son esprit.
— Sachant ça. Sachant à quel point Tom est important pour Adam, si vous aviez une preuve de… de qui est vraiment Tom, la montreriez-vous à Adam ?
Tout à son honneur, Holden ne demanda pas de quelle preuve il s’agissait, ni la preuve de quoi. Il dévisagea Olive avec une expression intense, réfléchie, et lorsqu’il prit la parole, il choisit ses mots avec soin.
— Je ne peux pas répondre à votre place. Je ne crois pas que je devrais le faire.
Il tapotait du doigt sur l’estrade, comme s’il était en pleine réflexion.
— Mais je tiens à vous dire trois choses. La première que vous savez probablement déjà : Adam est avant tout et surtout un scientifique. Tout comme moi, et tout comme vous. Et la vraie science ne se produit que quand on tire des conclusions basées sur toutes les preuves disponibles – pas seulement celles qui sont faciles, ou qui confirment nos hypothèses.
Vous n’êtes pas d’accord ?
Olive hocha la tête, et il continua.
— La deuxième est quelque chose dont vous pouvez avoir ou ne pas avoir conscience, parce que c’est en lien avec la politique et le monde universitaire, qui ne sont pas des concepts évidents avant de se retrouver soi-même assis pendant cinq heures à des réunions toutes les deux semaines. Mais voilà le topo : la collaboration entre Adam et Tom profite plus à Tom qu’à Adam. Ce qui explique pourquoi Adam est le principal lauréat de la bourse qu’ils ont décrochée. Tom est… enfin, il est remplaçable. Ne vous méprenez pas, c’est un très bon chercheur, mais la majeure partie de sa notoriété est due au fait d’avoir été le chouchou de notre ancien directeur de recherche. Il a hérité d’un labo qui était déjà une machine bien huilée et a continué à la faire tourner. Adam, lui, a créé son propre axe de recherche à partir de rien et… je trouve qu’il a tendance à oublier à quel point il est bon. Ce qui vaut sans doute mieux, parce qu’il est déjà assez insupportable comme ça, gloussa-t-il. Vous imaginez s’il avait un ego surdimensionné en prime ?
Olive rit à cette remarque, mais le son était bizarre. Quand elle porta les mains à ses joues, elle ne fut pas surprise de les trouver humides.
Apparemment, pleurer en silence était son nouveau truc.
— La dernière chose, continua Holden, sans se laisser perturber par ses larmes, est une chose que vous ignorez probablement.
Il marqua une pause.
— Adam a été approché par de nombreuses institutions par le passé.
Énormément. On lui a offert de l’argent, des postes prestigieux, des accès illimités à des installations et du matériel. Y compris Harvard… Il ne s’agit pas de leur première tentative de le recruter. Mais c’est la première fois qu’il a accepté de passer un entretien. Et il a seulement accepté après que vous avez décidé d’aller travailler dans le labo de Tom.
Il lui sourit gentiment et détourna le regard, commençant à ramasser ses affaires et à les glisser dans son sac à dos.
— Faites-en ce que vous voulez, Olive.
HYPOTHÈSE : Les gens qui me mettent en colère finiront par le regretter.
Elle devait mentir.
Encore.
Ça commençait à devenir une habitude, et tandis qu’elle embobinait la secrétaire du département de biologie d’Harvard, se faisant passer pour une étudiante du Dr Carlsen qui avait besoin de le voir immédiatement pour lui délivrer un message crucial en personne, elle se jura que ce serait la dernière fois. C’était trop stressant. Trop difficile. Ça ne méritait pas toute cette pression sur sa santé cardio-vasculaire et mentale.
En plus, elle était nulle. La secrétaire du département n’avait pas l’air de croire un mot de son histoire, mais elle avait dû décider qu’il n’y avait aucun mal à lui dire où les professeurs de biologie avaient emmené Adam pour dîner… D’après Yelp, un restaurant chic qui se trouvait à moins de dix minutes en Uber. Olive baissa les yeux sur son jean déchiré et ses Converse lilas et se demanda si on la laisserait entrer. Puis elle se demanda si Adam serait fâché. Puis elle se demanda si elle commettait une erreur et gâchait sa vie, celle d’Adam, et celle de la chauffeuse du Uber. Elle était très tentée de changer sa destination pour l’hôtel de la conférence quand la voiture se gara près d’un trottoir, et la chauffeuse – Sarah Helen, d’après l’application – se retourna en souriant.
— Nous y voilà.
— Merci.
Olive s’apprêtait à descendre quand elle s’aperçut qu’elle n’arrivait pas à bouger les jambes.
— Ça va ? s’enquit Sarah Helen.
— Oui. Juste, euh…
— Allez-vous vomir dans ma voiture ?
Olive secoua la tête. Non. Oui.
— Ne faites pas ça, ou je ruine votre note sur l’appli.
Olive acquiesça et essaya de se glisser hors du véhicule. Ses membres ne répondaient pas.
Sarah Helen fronça les sourcils.
— Eh, qu’est-ce qui ne va pas ?
— J’ai juste…
Elle avait une boule dans la gorge.
— J’ai besoin de faire quelque chose. Que je n’ai pas envie de faire.
Sarah Helen poussa un soupir entendu.
— C’est un truc de boulot, ou un truc d’amour ?
— Euh… les deux.
— Aïe, reprit Sarah Helen en fronçant les sourcils. Double peine. Vous pouvez repousser ?
— Non, pas vraiment.
— Vous pouvez demander à quelqu’un de le faire à votre place ?
— Non.
— Vous pouvez changer de nom, brûler le bout de vos doigts, entrer dans le programme de protection des témoins, et disparaître ?
— Euh, pas sûr. Je n’ai pas la citoyenneté américaine, cela dit.
— Probablement pas, dans ce cas. Vous pouvez vous permettre de dire
« fait chier » et assumer les conséquences ?
Olive ferma les yeux et y réfléchit. Quelles seraient, exactement, les conséquences si elle ne faisait pas ce qu’elle avait prévu ? Tom serait libre de continuer à se comporter comme une ordure, déjà. Et Adam ne saurait jamais qu’on profitait de lui. Il déménagerait à Boston. Et Olive n’aurait plus jamais l’occasion de lui parler, et tout ce qu’il avait signifié à ses yeux finirait…
Par un mensonge.
Un mensonge qui en suivait tant d’autres. Tous les mensonges qu’elle avait dits, toutes les vérités qu’elle aurait pu dire sans jamais le faire, tout ça parce qu’elle avait trop peur d’affronter la vérité, de perdre les gens qu’elle aimait. Tout ça parce qu’elle avait trop peur. Tout ça parce qu’elle n’avait pas voulu se retrouver de nouveau seule.
Eh bien, les mensonges n’avaient pas si bien fonctionné que ça. En fait, ça avait même carrément tout foutu en l’air. Il était grand temps d’appliquer
Grand temps de dire la vérité.
— Non, je ne veux pas en assumer les conséquences.
Sarah Helen sourit.
— Alors, chère amie, vous feriez mieux d’aller faire votre truc.
Elle appuya sur un bouton, et la portière passager s’ouvrit avec un bruit sourd.
— Et vous feriez mieux de me mettre une super note. Pour la psychothérapie gratuite.
Cette fois, Olive réussit à sortir de la voiture. Elle donna à Sarah Helen un pourboire de 150 %, prit une profonde inspiration, et entra dans le restaurant.
Elle trouva Adam aussitôt. Il était grand, après tout, et le restaurant ne l’était pas, ce qui facilitait les recherches. Sans compter qu’il était assis avec une dizaine de personnes qui ressemblaient beaucoup à des professeurs très sérieux d’Harvard. Et bien sûr, Tom.
Quelle vie de merde, se dit-elle en se faufilant entre les serveuses débordées pour se diriger vers Adam. Elle se disait que son manteau rouge allait attirer son attention, puis qu’elle gesticulerait pour qu’il vérifie son téléphone, et lui écrirait de lui accorder, par pitié, par pitié, quelques minutes de son temps quand le dîner serait terminé. Elle se disait que lui dire ce soir-là était la meilleure option – ses entretiens seraient terminés le lendemain, et il serait en mesure de prendre une décision en connaissance de cause. Elle se disait que son plan pourrait fonctionner.
Elle ne s’était pas dit qu’Adam la remarquerait alors qu’il était en pleine conversation avec une jeune et belle enseignante. Elle ne s’était pas dit qu’il arrêterait soudain de parler, écarquillant les yeux et entrouvrant les lèvres, qu’il marmonnerait « Excusez-moi » tout en rivant les yeux sur Olive et en se levant de table, ignorant les regards curieux qu’on lui jetait, qu’il marcherait jusqu’à l’entrée, où Olive se trouvait, avançant à grands pas l’air inquiet.
— Olive, tu vas bien ? s’enquit-il, et…
Oh. Sa voix. Et ses yeux. Et la façon dont il levait les mains, comme pour la toucher, pour s’assurer qu’elle était indemne et vraiment là – même
si juste avant que ses doigts ne se referment autour de son bras, il hésita et abandonna.
Ça brisa le cœur d’Olive encore un peu.
— Je vais bien, répondit-elle en s’efforçant de sourire. Je… Je suis désolée de vous interrompre. Je sais que c’est important, que tu veux déménager à Boston, et que… c’est inapproprié. Mais c’est maintenant ou jamais, et je n’étais pas certaine que j’aurais le courage de…
Elle divaguait. Elle inspira profondément et recommença :
— Il faut que je te dise quelque chose. Quelque chose qui s’est passé.
Avec…
— Salut, Olive.
Tom. Évidemment.
— Bonjour, Tom.
Olive ne tourna même pas la tête, les yeux rivés sur Adam. Tom ne méritait pas qu’on lui accorde un seul regard.
— Pouvez-vous nous laisser cinq minutes d’intimité ?
Elle vit du coin de l’œil son sourire mielleux, faux.
— Olive, je sais que vous êtes jeune et que vous ignorez comment ces choses fonctionnent, mais Adam est ici pour décrocher un poste très important, et il ne peut pas se permettre…
— Va-t’en, ordonna sèchement Adam.
Olive ferma les yeux et hocha la tête, reculant d’un pas. Bien. Tout allait bien. Adam avait tout à fait le droit de ne pas vouloir lui parler.
— D’accord, je suis désolée, je…
— Pas toi. Tom, va-t’en.
Oh. Oh. Très bien, dans ce cas.
— Mec, reprit Tom sur un ton amusé, tu ne peux tout de même pas te lever de table en plein milieu d’un entretien et…
— Va-t’en, répéta Adam.
Tom éclata d’un rire éhonté.
— Non. Pas sans que tu m’accompagnes. Nous sommes partenaires, et si tu te comportes comme un con pendant un dîner avec mes collègues à cause d’une étudiante que tu t’envoies, ça va pourrir ma réputation. Il faut que tu reviennes à table et…
« Une belle fille comme vous devrait connaître la chanson. Ne faites pas comme si vous n’aviez pas choisi une robe aussi courte pour me plaire.
Jolies jambes, d’ailleurs. Je vois pourquoi Adam perd son temps avec vous. »
Ni Adam ni Tom n’avaient vu Olive sortir son téléphone, ou appuyer sur « Lecture ». Ils hésitèrent tous les deux l’espace d’un instant, visiblement confus – ils avaient clairement entendu les propos mais n’étaient pas certains de savoir d’où ils venaient. Jusqu’à ce que l’enregistrement reprenne.
« Olive. Vous ne croyez tout de même pas que je vous ai acceptée dans mon labo parce que vous êtes douée, si ? Une fille comme vous. Qui a compris si tôt dans sa carrière que coucher avec un professeur célèbre et talentueux est la bonne méthode pour réussir. Vous avez bien couché avec Adam, non ? Nous savons tous les deux que vous coucherez avec moi pour la même raison. »
— C’est quoi ce…
Tom avança d’un pas, tendant une main pour attraper le téléphone d’Olive. Il n’alla pas loin, parce qu’Adam le repoussa en plaquant une main sur son torse, le faisant trébucher sur plusieurs mètres.
Il ne regardait toujours pas Tom. Et Olive non plus. Il avait les yeux rivés sur son téléphone, avec une expression sinistre, dangereuse, voire effrayante. Elle aurait probablement dû être terrifiée. Peut-être qu’elle l’était un peu.
« Ne me dites pas que vous pensiez que votre article minable a été retenu pour sa qualité et son importance scientifique ? J’en connais une qui a très haute opinion d’elle-même, si on considère le fait que ses recherches sont inutiles et banales, et qu’elle arrive à peine à aligner deux mots sans bégayer comme une gourde. »
— C’était lui, murmura Adam.
Il parlait à voix basse, à peine dans un souffle, faussement calme. Son regard était indéchiffrable.
— C’était Tom. C’est à cause de lui que tu pleurais.
Olive ne put qu’acquiescer. En fond, la voix enregistrée de Tom résonnait toujours. Disant à quel point elle était lamentable. Qu’Adam ne la croirait jamais. La traitant de tous les noms.
— C’est ridicule.
Tom s’approcha pour tenter de lui prendre le téléphone.
— Je ne sais pas quel est le problème de cette salope, mais elle est clairement….
Adam explosa si vite qu’elle n’eut même pas le temps de le voir bouger.
Il se tenait devant elle, et la seconde d’après, il plaquait violemment Tom contre le mur.
— Je vais te tuer, grommela-t-il les dents serrées, de façon à peine plus articulée qu’un grognement. Si tu dis un seul mot de plus sur la femme que j’aime, si tu la regardes, si tu penses à elle… je te défonce.
— Adam…, bégaya Tom.
— En fait, je vais quand même te faire la peau.
Des gens accouraient. L’hôtesse, une serveuse et quelques professeurs d’université de la table d’Adam. Ils formaient une foule informe, hurlant et tentant d’éloigner Adam de Tom… en vain. Olive repensa à Adam en train de pousser la voiture de Cherie, et faillit éclater de rire dans un moment d’hystérie. Faillit.
— Adam, appela-t-elle.
Sa voix était à peine audible dans le chaos qui régnait autour d’eux, mais ce fut ce qui l’arrêta. Il se tourna pour la regarder, et des univers entiers brillaient dans ses yeux.
— Adam, non, murmura-t-elle. Il n’en vaut pas la peine.
Sans réfléchir, Adam recula d’un pas et lâcha Tom. Un gentleman d’un certain âge – probablement un doyen d’Harvard – commençait à s’en prendre à lui, à réclamer des explications, à lui dire à quel point son comportement était inacceptable. Adam l’ignora, ainsi que tous les autres. Il se dirigea droit sur Olive, et…
Il prit son visage entre ses mains, glissant les doigts dans ses cheveux et la serrant fort tandis qu’il appuyait son front sur le sien. Il était chaud et sentait bon son parfum, la sécurité, la maison. Il essuyait de ses pouces le torrent de larmes sur ses joues.
— Je suis désolé. Je suis tellement désolé. Je ne savais pas, et je suis désolé, désolé, désolé…
— Ce n’est pas ta faute, parvint-elle à marmonner, mais il ne semblait pas l’entendre.
— Je suis désolé. Je…
— Docteur Carlsen, s’exclama une voix masculine derrière eux, et elle sentit le corps d’Adam se raidir contre le sien. J’exige une explication.
Adam ne prêta aucune attention à l’homme et continuait à tenir Olive.
— Docteur Carlsen, répéta-t-il, c’est inacceptable…
— Adam, murmura Olive. Il faut que tu lui répondes.
Adam expira lentement. Puis il déposa un long baiser sur le front d’Olive avant de s’éloigner d’elle à contrecœur. Quand elle fut enfin en mesure de bien l’observer, elle constata qu’il était redevenu lui-même.
Calme. En colère contre le monde entier. Aux commandes.
— Envoie-moi immédiatement cet enregistrement, lui souffla-t-il.
Elle hocha la tête, et il se tourna vers l’homme âgé qui venait de s’approcher d’eux.
— Il faut qu’on parle. En privé. Votre bureau ?
L’autre homme semblait choqué et offensé, mais il acquiesça sèchement. Derrière lui, Tom faisait un scandale, et Adam serra les dents.
— Faites en sorte qu’il reste loin de moi.
Il se tourna vers Olive avant de partir, se penchant vers elle et baissant le ton. Sa main était chaude contre la sienne.
— Je vais régler ça, assura-t-il.
Il y avait quelque chose de déterminé, de solennel dans ses yeux. Olive ne s’était jamais sentie plus en sécurité, ou plus aimée.
— Ensuite je viendrai te trouver, et je prendrai soin de toi.
HYPOTHÈSE : Porter des lentilles de contact périmées causera des infections bactériennes et fongiques qui auront des conséquences pendant des années.
— Holden a envoyé un message pour toi.
Olive détourna les yeux de la fenêtre et dévisagea Malcolm, qui avait désactivé son mode avion à la seconde où ils avaient atterri à Charlotte pour leur escale.
— Holden ?
— Ouais. Enfin, techniquement, ça vient de Carlsen.
Son cœur manqua un battement.
— Il a perdu son chargeur de portable et ne peut pas t’écrire, mais lui et Holden sont sur le retour pour San Francisco.
— Ah.
Elle hocha la tête, éprouvant une petite pointe de soulagement. Ça expliquait le silence d’Adam. Il ne l’avait pas contactée depuis la veille au soir. Elle avait eu peur qu’on l’ait arrêté et de devoir vider son livret d’épargne pour aider à payer sa caution. Ses douze dollars et seize centimes en totalité.
— Où est leur escale ?
— Pas d’escale, répondit Malcolm en roulant des yeux. Vol direct. Ils seront à San Francisco dix minutes après nous, même s’ils viennent de quitter Boston. Vive les riches.
— Holden a dit quelque chose au sujet de…
Malcolm secoua la tête.
— Leur avion va décoller, mais on peut les attendre à San Francisco. Je suis sûr qu’Adam aura des choses à te dire.
— Toi tu as juste envie de coucher avec Holden, pas vrai ?
Malcolm sourit et posa la tête sur son épaule.
— Ma Kalamata me connaît bien.
Il semblait impossible qu’elle soit partie pendant moins d’une semaine.
Qu’un tel chaos soit survenu en seulement quelques jours. Olive se sentait étourdie, sous le choc, comme si son cerveau avait couru un marathon. Elle était fatiguée et voulait dormir. Elle avait faim et voulait manger. Elle était en colère et voulait voir Tom récolter ce qu’il avait semé. Elle était anxieuse, tremblante, et elle voulait un câlin. De préférence d’Adam.
À San Francisco, elle rangea son manteau désormais inutile dans sa valise et s’assit dessus. Elle vérifia ses nouveaux messages tandis que Malcolm achetait une bouteille de Coca Light. Plusieurs provenaient d’Anh, prenant des nouvelles depuis Boston, et un de son propriétaire pour l’informer que l’ascenseur était hors service. Elle leva les yeux au ciel, ouvrit sa boîte mail universitaire, et trouva plusieurs messages non lus libellés comme importants.
Aujourd’hui, 17:15
De : anna-wiley@berkeley.edu
À : aysegulaslan@stanford.edu
CC : olive-smith@stanford.edu
Objet : Re : Projet sur le cancer du pancréas Aysegul,
Merci de m’avoir contactée. J’ai eu le privilège de voir la prestation d’Olive à la SBD – nous étions dans la même sélection – et j’ai été très impressionnée par son travail sur les outils de détection précoce du cancer du pancréas.
J’adorerais l’avoir dans mon labo l’an prochain ! Peut-être qu’on pourrait en parler toutes les trois au téléphone bientôt ?
Cordialement,